La réforme des professions libérales

L’ordonnance du 8 septembre 2023, prise en application de la loi du 14 février 2022, a introduit une réforme significative du régime juridique des sociétés exerçant des professions libérales réglementées. Cette réforme a pour objectif principal de moderniser et d’harmoniser le cadre légal encadrant ces sociétés. Voici les principaux points de cette réforme :

Avant cette réforme, les sociétés de professions libérales réglementées se trouvaient dans une grande diversité de statuts juridiques, chacun ayant des spécificités propres, parfois complexes et difficilement compatibles entre eux. Par exemple, des différences existaient entre les Sociétés d’Exercice Libéral (SEL), les Sociétés Civiles Professionnelles (SCP) et les Sociétés en Nom Collectif (SNC).

L’ordonnance simplifie ce paysage en rapprochant les règles communes à ces formes sociétaires et en créant une base légale homogène pour encadrer ces différentes structures. Elle introduit des dispositions communes concernant la constitution des sociétés, le partage de la responsabilité et les conditions d’exercice, tout en laissant de la souplesse pour s’adapter aux spécificités de chaque profession.

Cette harmonisation facilite également les relations interprofessionnelles, car les différents types de sociétés deviennent plus compatibles entre eux, ce qui réduit les obstacles à la coopération et à la création de structures pluridisciplinaires

Un enjeu majeur pour les professions libérales est la responsabilité personnelle des associés en cas de difficultés financières de la société. Avant la réforme, dans certaines formes juridiques, les associés pouvaient être tenus personnellement responsables des dettes de la société, exposant leur patrimoine personnel.

L’ordonnance renforce les mécanismes de protection patrimoniale. Désormais, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports dans la société. Cette séparation claire entre le patrimoine personnel des associés et celui de la société est un facteur clé pour encourager l’entrepreneuriat, car elle diminue les risques financiers pour les professionnels.

Cela introduit également un cadre similaire à celui de nombreuses autres sociétés commerciales, comme les Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) ou les Sociétés Anonymes (SA), où la responsabilité est limitée aux apports des associés.

Transmettre une société de profession libérale peut s’avérer complexe, notamment en raison des restrictions liées à la cession de parts sociales ou d’actions. La réforme vise à fluidifier ces opérations pour encourager la pérennité des entreprises libérales.

Les nouvelles dispositions simplifient les règles de cession de parts sociales dans les sociétés d’exercice, en réduisant les exigences administratives et en offrant plus de flexibilité pour organiser la transmission, que ce soit à des héritiers, à d’autres professionnels ou à des tiers. Cela favorise également les stratégies de croissance externe par acquisition ou fusion.

La réforme prévoit des procédures allégées pour la transmission, réduisant ainsi les risques de blocages dans la gestion des transitions, un enjeu important pour assurer la continuité de l’activité au bénéfice des clients et patients.

Jusqu’à présent, les sociétés de professions libérales réglementées étaient souvent fermées aux investisseurs extérieurs, notamment pour protéger l’indépendance professionnelle des associés. La réforme introduit une ouverture partielle du capital de ces sociétés à des investisseurs non-praticiens, tout en maintenant des garde-fous pour préserver l’éthique et l’indépendance de ces professions.

Cette ouverture permet aux sociétés d’accéder à de nouvelles sources de financement, comme le capital-investissement ou d’autres formes d’apport en capital. Cependant, les professionnels libéraux doivent rester majoritaires au sein du capital et des organes de décision, garantissant ainsi que les choix stratégiques continuent d’être pris par des praticiens, soucieux du respect des normes déontologiques.

Un volet important de la réforme concerne la gouvernance des sociétés de professions libérales. L’ordonnance introduit des règles plus claires en matière de fonctionnement des organes dirigeants, notamment pour assurer une gestion transparente et responsable. Les règles de prise de décision au sein des sociétés sont également revues pour renforcer la participation des associés et des professionnels dans les choix stratégiques.

L’ordonnance facilite la création de sociétés pluridisciplinaires, permettant à des professionnels libéraux de différentes disciplines de s’associer au sein d’une même structure. Cette évolution est cruciale dans un contexte où les besoins des clients et des patients deviennent de plus en plus complexes, nécessitant une collaboration accrue entre plusieurs métiers.

Par exemple, un cabinet d’avocats pourrait désormais s’associer à des experts-comptables ou des notaires pour offrir une gamme complète de services juridiques et financiers sous un même toit. Cette synergie des compétences permet de répondre à des problématiques plus larges et complexes, tout en offrant un guichet unique pour les clients.

La pluridisciplinarité est également un levier de compétitivité pour les cabinets libéraux, qui peuvent ainsi se positionner face à des grands groupes de conseil intégrés. La réforme établit des règles pour garantir que ces collaborations se fassent dans le respect des différentes déontologies et obligations professionnelles.

La réforme engagée par cette ordonnance modernise en profondeur le cadre juridique des sociétés des professions libérales réglementées en France. Elle vise à simplifier leur création et gestion, à encourager l’investissement tout en préservant l’indépendance professionnelle, et à renforcer la protection des professionnels. Cette réforme offre un cadre plus flexible et moderne, tout en respectant les spécificités de chaque profession concernée. Toutefois, cette réforme entraîne des changements significatifs sur l’imposition et la protection sociale du dirigeant. On vous explique tout ça :

Cette réforme a instauré une nouvelle répartition de ces professions dans les trois grandes familles suivantes :

  • Les professions de santé (ex : médecins, chirurgiens-dentistes, biologistes médicaux…)
  • Les professions juridiques ou judiciaires (ex : avocats, notaires, …)
  • Les professions techniques et du cadre de vie ( ex : architectes, experts-comptables, …)

Les professions juridiques étaient jusqu’alors en mesure d’exercer leur activité en créant des sociétés de droit commun, comme des SARL ou des SAS. Depuis le 1er septembre 2024, ce n’est plus possible. Ces professionnels doivent dorénavant opter, lors de la création, pour une SEL et éventuellement une des formes dérivées (SELAFA, SELAS, SELARL…).

Pour les professionnels déjà en activité, ils ont l’obligation de transformer leur société en SEL pour se mettre en conformité avant le 31 août 2025.

  • SELASU (Société d’Exercice Libéral par Actions Simplifiée Unipersonnelle) : il s’agit d’une SELAS à associé unique, seul dirigeant.
  • SELAFA (Société d’Exercice Libéral à Forme Anonyme) : c’est une société qui fonctionne sur le modèle de la SA.
  • SELCA (Société d’Exercice Libéral en Commandite par Actions) : c’est une forme très rare.

Jusqu’à présent, les associés de SEL étaient imposés à l’Impôt sur les Revenus (IR) de la manière suivante :

STATUT DE L’ASSOCIEREGIME FISCAL A L’IR
Associé non dirigeant de SELAFA, SELAS, SELARLTraitements et salaires
Associé dirigeant de SELAFA, SELASTraitements et salaires
Associé gérant minoritaire de SELARLTraitements et salaires
Associé gérant majoritaire de SELARLArticle 62 du CGI *

Dans tous les cas, les associés bénéficiaient d’un abattement de 10% représentatif de leurs frais professionnels (sauf option pour les frais réels) avant que leur rémunération ne soit soumise à l’Impôt sur le Revenu.

Changement de catégorie à compter des revenus de 2024 :

Voici les nouveaux principes d’imposition :

L’administration fiscale a mis à jour sa doctrine et indique qu’à compter de l’imposition des revenus de l’année 2024, il convient désormais de distinguer :

  • La rémunération de l’exercice de l’activité libérale « Rémunération technique » qui relève désormais de la catégorie des BNC (Bénéfices Non Commerciaux) ;
  • La rémunération du mandat social qui demeure imposée, selon la forme de la société d’exercice, dans la catégorie des traitements et salaires ou de l’article 62 du CGI. Elle est limitée à 5% de la rémunération.
 Rémunération techniqueRémunération au titre du mandat social
Sans lien de subordination avec la SELAvec lien de subordination avec la SEL
SELARLGérant majoritaireBNC *Article 62 du CGI
 Gérant minoritaireBNCTraitements et salairesTraitements et salaires
 Associé non-gérantTraitements et salaires
SELAFA / SELASTraitements et salairesTraitements et salaires
SELCABNC *Traitements et salairesArticle 62 du CGI
* Pour les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA, imposition dans la catégorie de l’article 62 du CGI si la rémunération technique ne peut être distinguée de la rémunération au titre du mandat social.

Les cotisations sociales, qu’elles soient obligatoires ou facultatives, jouent un rôle clé dans la déclaration des revenus des associés de SEL. Avec le nouveau régime, il est essentiel que les associés déclarent ces cotisations de manière adéquate en fonction de leur classification fiscale. Une gestion précise de ces cotisations est cruciale, car elle affecte directement l’assiette imposable et peut influencer les avantages fiscaux auxquels les associés peuvent prétendre.

Autre point central de la réforme : la gestion des frais professionnels des dirigeants de SEL. Auparavant, ces frais pouvaient être déduits du revenu imposable sous certaines conditions, mais les nouvelles dispositions encadrent plus strictement les critères de déductibilité. Pour être considérés comme des charges déductibles, les frais doivent désormais être justifiés et directement liés à l’activité professionnelle exercée dans le cadre de la SEL. Cette mesure vise à éviter les abus, mais elle impose aux dirigeants une gestion plus rigoureuse de leurs dépenses.

Le professionnel libéral doit s’inscrire en qualité de « BNC – Associé de SEL ».

Les associés de SEL doivent être identifiés auprès de l’Administration Fiscale avant le dépôt des déclarations de revenus 2024, donc avant avril 2025.

N’hésitez pas à contacter notre cabinet d’expertise comptable si vous êtes professionnel libéral ou associé de SEL et que vous souhaitez faire le point sur votre situation. Nous sommes à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches, répondre à vos questions et vous aider à optimiser la gestion de vos obligations fiscales et sociales.

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